Le nom d’Elliot Cardin vous dit peut-être quelque chose puisque ce jeune Québécois de Bromont fait partie de nos athlètes d’endurance d’élite. Elliot a commencé la course il y a quelques années et n’a jamais abandonné. Le trail est devenu une passion pour lui et aujourd’hui, notre ambassadeur Näak partage avec nous son meilleur souvenir de course : son exploit au Black Canyon Ultra 100k 2020.

Näak : Pourquoi avoir choisi le Black Canyon Ultra ?

Elliot Cardin : S’entraîner pour des ultra marathons tout en travaillant dans la maçonnerie est loin d’être de tout repos. 2019 a été une année difficile pour moi : après un licenciement et des performances de course décevantes, je voulais commencer 2020 du bon pied. Étant au chômage depuis décembre, j’ai pu commencer à accumuler des kilomètres et à m’entraîner sérieusement. J’étais en super forme en début d’année, ce qui m’a donné envie de concourir à l’étranger. Je voulais une course d’un certain calibre afin de voir mon niveau comparé aux meilleurs.

Je suis rapidement tombée sur le 100K de Black Canyon en Arizona. C'est l'une des quatre courses qui offre la possibilité d'obtenir une entrée pour le Western State 100 via un ticket d'or. Le Western State est en quelque sorte le Super Bowl du trail aux USA et il n'est possible d'y participer que via un tirage au sort, une sélection de l'ultra trail world tour ou en remportant le ticket d'or.

Cette attraction rend la course plus populaire chaque année car des professionnels s'y présentent pour obtenir un ticket. Il y a deux tickets en or disponibles : un pour la première et une pour la deuxième place chez les hommes et les femmes. Bref, c'était la course parfaite que je recherchais mais malheureusement la course était complète... J'ai tenté ma chance, j'ai écrit à l'organisation pour demander une place dans la course et heureusement, ils ont accepté de me laisser entrer.

« Mon meilleur souvenir de course est clairement mon sprint final avec Charlie Ware au Black Canyon Ultra 100k cet hiver. » Elliot Cardin

Édition 2020

Elliot Cardin : Lors de cette édition 2020, on ne s’attendait pas à voir gagner quelqu’un d’autre que Hayden Hawks, l’un des meilleurs coureurs de trail américains. Plusieurs autres grands noms étaient également au palmarès des coureurs tels que Tyler Sigl, Charlie Ware et Mario Mendoza, détenteur du record du 50 km sur tapis roulant. Être premier ou deuxième parmi ces coureurs chevronnés semblait impossible. Mon objectif était simplement de voir où je me situais parmi ces grands coureurs; je savais que j’avais à peine une chance d’obtenir le billet d’or.

Avant la course

Elliot Cardin : Je suis arrivé avec ma mère cinq jours avant la course, ce qui m'a donné le temps d'explorer un peu. Ma soif d'aventure et d'exploration m'a fait faire des choses folles. Je me suis entraîné tous les quatre jours à plus de 2000 m d'altitude et deux jours avant la course, je n'ai pas pu résister à descendre dans le grand canyon et à vivre l'ascension brutale de celui-ci.

J'ai un peu paniqué après coup : mes jambes étaient détruites. Je pensais qu'une bonne journée de récupération suffirait à me rafraîchir les jambes pour le jour de la course, mais je me suis trompé. La veille, j'ai fait l'erreur de mettre trop de crème anti-inflammatoire à la capsaïcine pour essayer de minimiser les dégâts. Mes jambes ont eu très chaud pendant des heures alors que j'étais censée préparer mon équipement pour me coucher tôt et limiter le stress avant la course... échec total.

« Ma soif d'aventure et d'exploration m'a fait faire des choses folles . » Elliot Cardin

Jour de course

Elliot Cardin : Nous sommes partis à 7h00. Il faisait 3 degrés dehors et j'étais pas mal endolori. Peu importe les circonstances, je savais qu'il fallait que je donne le maximum. Comme prévu, j'ai pris un départ rapide. A 3:40/km, avec Hayden Hawks en tête, j'ai veillé à rester proche des leaders. Pendant les vingt premiers kilomètres, j'étais en 6ème position. Je suis resté patient, mon plan était d'attaquer une fois arrivé à mi-parcours.

Au trentième kilomètre, tout allait bien : j'étais bien échauffé et ressentais moins de courbatures, mais j'ai été accidentellement induit en erreur par un coureur derrière moi. Je l'ai entendu crier "wrong way" (mauvaise direction) alors je me suis arrêté et j'ai regardé plus loin et je n'ai vu aucun marquage. Je me suis retourné et j'ai finalement vu un autre coureur qui m'a assuré que j'étais sur le bon chemin et que l'autre gars venait de perdre son téléphone. Je réalise maintenant qu'il a probablement dit "NO WAY" (pas du tout) et non "WRONG WAY" (mauvaise direction)... bravo pour mon anglais médiocre.

C'est à ce moment-là que j'ai commencé à accélérer même s'il était encore tôt. Entre le 30ème et le 60ème kilomètre, je suis remonté dans les rangs et je me suis installé à la 3ème place. Les sensations étaient très bonnes alors j'ai continué à accélérer malgré la chaleur et les montées qui m'attendaient dans le canyon. A 70km, il n'y avait toujours pas de signe de la 2ème place et je commençais à souffrir de la chaleur. J'avais des nausées et j'avais du mal à manger, mais je me sentais attaché comme jamais à ma 3ème place qui m'aurait assuré le ticket d'or. Hayden Hawks avait déjà assuré sa place sur le Western State avec l'ultra trail world tour, donc les tickets dans ce cas iraient à la 2ème et 3ème place.

Ce n’est qu’à l’avant-dernier ravito, 5 km avant la ligne d’arrivée, que j’ai été informé que la 2e place était proche. J’ai tout donné pour tenter de réduire l’écart. C’était à un kilomètre de la ligne d’arrivée que j’ai finalement vu le deuxième : Charlie Ware. La course s’est terminée au sprint que j’ai perdu de 8 secondes. C’était quand même assez épique pour une arrivée sur 100 km. C’était fou la joie que j’ai ressentie en recevant mon ticket d’or, mais c’était encore plus fou de savoir que j’étais capable de rivaliser avec les meilleurs. J’ai encore beaucoup à gagner et à apprendre pour être parmi les professionnels, mais terminer 24 minutes derrière Hayden Hawks et avoir un des meilleurs temps sur ce parcours (8h19) m’a donné un bon boost de motivation. J’aurais du mal à imaginer obtenir ce ticket d’or, mais là, j’étais sur le podium.

« Cette troisième place est la performance dont je suis le plus fier. » Elliot Cardin